Publié : 15 août 2025 à 10h15 par Romain Rouquette

Ça vaut le détour : Les mises au tombeau

Tous les jours de l'été, l'historien et écrivain aveyronnais, Daniel Crozes vous emmène en balade à la découverte des petites et grandes histoires qui font la richesse de nos régions. Aujourd'hui, en ce jour de l'Assomption il vous amène à Salers dans le Cantal pour vous parler des traditions qui ont une place centrale dans cette commune : les mises au tombeau.

Village de Monestiés

Nous sommes le vendredi 15 août et les catholiques célèbrent la Vierge Marie qui a été représentée depuis plusieurs siècles par des enlumineurs, des peintres, des sculpteurs, des créateurs de vitraux. Nous nous intéressons, aujourd’hui, aux Mises au tombeau où elle occupe une place centrale et nous entamons notre voyage à Salers dans le Cantal.

 

Pourquoi à Salers ?

 

Parce que la mise au tombeau y est remarquable. Salers est l’un des villages les plus attirants de haute Auvergne grâce à ses hôtels Renaissance, ses remparts, son patrimoine religieux. Dans l’église Saint-Mathieu du XVe siècle qui conserve un porche du XIIe siècle, on admirera une mise au tombeau qui remonte à 1495 et qui a été offferte à la paroisse par un prêtre, Géraud Vitalis. C’est une œuvre en pierre polychrome qui est inspirée de l’art bourguignon avec en complément des sept personnages classiques deux vieillards et un gardien du Saint-Sépulcre. On comparera cette Vierge de Salers à la Vierge à l’Enfant de Fridefond, localité proche de la vallée de la Truyère, où la simplicité et même la rusticité dominent. Elle est, ici, femme du peuple, grossièrement habillée. Cette statue provient de la chapelle de Mallet qui a été détruite, en 1959, par la mise en eau du barrage de Sarrans sur la Truyère. Le contraste est saisissant !

 

Du Cantal, nous partons pour l’Albigeois et Monestiès où la mise au tombeau a une histoire.

 

Elle a manqué être détruite au XVIIIe siècle alors que c’est une superbe œuvre bourguignonne du XVe siècle en pierre polychrome. Elle se trouvait alors dans la chapelle du château de Combefa – à quelques kilomètres seulement de Monestiès – une possession des évêques d’Albi qui décidèrent de sa destruction. C’était en 1774, à l’époque des moissons. Apprenant la nouvelle mais ne pouvant pas l’accepter, des paysans des environs de Monestiès se mobilisèrent pour transporter sa Mise au tombeau et une Piéta du XVe siècle. Ils les acheminèrent grâce à quatorze paires de bœufs jusqu’au village de Monestiès pour les installer dans la chapelle Saint-Jacques en compagnie des dallages, du socle du tombeau d’une longueur de 9 mètres, des stalles de bois de la chapelle seigneuriale et de l’autel. On y transféra aussi les vitraux qui ont été charriés à dos d’homme.

 

Nous terminerons ce pélerinage à Rodez où la Mise au tombeau de la cathédrale a également une belle histoire. Racontez-la nous !

 

Tout a commencé le 15 février 1514 par l’incarcération ordonnée par l’évêque de Rodez, François d’Estaing, d’un chanoine fougueux et indiscipliné que l’on accusait d’être débauché, blasphémateur et joueur. Il s’appelait Guillaume Roux. Lorsqu’il s’assagit, il décida de construire un Retable et une Mise au tombeau dans l’une des 27 chapelles ouvrant sur le bas-côté Sud. C’était en 1523, en expiation de son comportement. Au-dessus de l’enfeu qui abrite la Mise au tombeau, on découvre l’inscription : « Dieu tout puissant ayez pitié de Gaillard Roux qui a édifié cette construction en votre honneur. Pardonnez ses pêchés et ceux de tous le monde... » Cependant, la modestie ne l’étouffait pas puisqu’il demanda à ce que ses initiales soient copieusement gravées sur le retable ainsi que ses armoiries, l’étoile et la rose. Peut-on le regretter ? Grâce à Guillaume Roux, la cathédrale de Rodez possède aujourd’hui un chef-d’œuvre.

 

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