Publié : 4 août 2025 à 10h15 par Romain Rouquette

Ça vaut le détour : Les Cévennes de Jean Carrière

Tous les jours de l'été, l'historien et écrivain aveyronnais, Daniel Crozes vous emmène en balade à la découverte des petites et grandes histoires qui font la richesse de nos régions. Aujourd'hui, il escalade les Cévennes afin de vous raconter l'histoire d'un grand écrivain ayant vécu et grandit dans ce magnifique territoire du sud de la France.

Cévennes

Nous vous emmenons, aujourd’hui, dans les Cévennes avec l’un de leurs grands écrivains, Jean Carrière, dont l’année 2025 marque le vingtième anniversaire de la disparition. En compagnie de Jean-Pierre Chabrol et de l’académicien André Chamson, il a inventé la littérature cévenole, contribué à construire l’image et l’identité de ce territoire fascinant.

 

Qui était Jean Carrière ?

 

Il était né en 1928 à Nîmes, son père était chef d’orchestre et il avait une belle voix de baryton dès 14-15 ans lorsqu’il fréquentait le Cours complémentaire de Nîmes alors que sa mère était également musicienne. D’une manière naturelle et logique puisque sa famille baigne dans la musique, Jean Carrière devient critique musical puis il découvre les difficultés et les joies de l’écriture après sa rencontre avec Jean Giono dont l’œuvre l’influence fortement. Des moments partagés avec l’écrivain de la Haute Provence pendant des années, il souhaite que les auditeurs d’une grande radio nationale profitent et il réalisera quinze entretiens avec Giono. Son premier roman qui s’intitule Retour à Uzès paraît en 1967 et obtiendra en 1968 le prix de l’Académie française. C’est encourageant pour un romancier qui débute. Puis il y aura L’Epervier de Maheux, en 1972, couronné par le prix Goncourt : deux millions d’exemplaires, des traductions dans quatorze langues. 

 

Ce roman et Jean Carrière, où nous entraînent-ils ?

 

Ils nous amènent en Haute-Cévenne, brûlée par le soleil, raclée par le vent et gelée par la neige, près de la montagne du Bougès, aux environs de Saint-Julien-d’Arpaon, dans un hameau déserté et qui est presque en ruines – Mazel-de-Mort –, qu’un homme étrange – Abel Reilhan – aimerait bien ressusciter. Il entreprend de creuser un puits où il espère trouve de l’eau alors qu’il n’y a pas d’eau ! Un épervier tournoie, le menace et le rend fou. Jean Carrière choisit de mettre en scène dans les années 1950 la fin pathétique, qui oscille entre métaphysique et sordide, d’une famille de paysans, d’une foi religieuse, d’une civilisation paysanne. Il y a de superbes passages sur les paysages cévenols, leur rudesse et leur beauté, qui sont le théâtre de pierre sur lequel l’homme se retrouve face au silence de Dieu ou des dieux, face au sens ou à l’absence de sens de la vie.

 

Son œuvre se résume-t-elle à L’Epervier de Maheux ?

 

Non. Le succès exceptionnel du roman devait bouleverser sa vie et les Cévennes puisqu’il y eut alors des pélerinages au hameau de Mazel-de-Mort. Son existence d’écrivain a été marquée par la mort accidentelle de son père et il l’a raconté en 1987 dans Le Prix d’un Goncourt. Carrière tardera à se remettre à écrire mais il publiera en 1978 et 1979 les deux tomes de La Caverne des pestiférés ou une incursion remarquée dans l’Histoire avec une épidémie de choléra. Poursuivant ensuite son œuvre, il la situera en revanche dans les arrière-pays du Languedoc avec Les Années sauvages en 1986, Achigan en 1995, L’Empire des songes en 1997, Un jardin pour l’éternel en 1999. Toutefois, il ne retrouvera jamais l’audience et les lecteurs de 1972 pour L’Epervier de Maheux mais on y décelera le trait commun de tous ses livres : la certitude que l’homme ne peut trouver la liberté qu’en se perdant dans de grands espaces comme les Cévennes ou les montagnes américaines de Faulkner.

 

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