Publié : 12 août 2025 à 10h15 par Romain Rouquette

Ça vaut le détour : Le vignoble de Fronton

Tous les jours de l'été, l'historien et écrivain aveyronnais, Daniel Crozes vous emmène en balade à la découverte des petites et grandes histoires qui font la richesse de nos régions. Aujourd'hui, il fait une incursion dans le vignoble de Fronton à la contrée des départements de la Haute-Garonne et du Tarn-et-Garonne.

Vignobles du Fronton

Nous vous proposons aujourd’hui une incursion dans le vignoble de Fronton dont le territoire, comme l’intitulé de son appellation ne l’indique pas, ne comporte pas seulement des terroirs de la Haute-Garonne mais également du Tarn-et-Garonne autour de Grisolles, Labastide-Saint-Pierre, Campsas. Il a la forme curieuse d’un ballon de rugby au pays de l’Ovalie !

 

A quand remonte ce vignoble ?

 

A l’époque romaine ! Comme son voisin de Gaillac dans le Tarn. La présence de la rivière n’y est pas étrangère avec ses terrasses recouvertes d’alluvions provenant des Cévennes qui sont propices à la culture de la vigne. Les Romains étaient installés à Montauban, à une bonne quinzaine kilomètres de Labastide-Saint-Pierre, et ils contribuèrent, comme ailleurs, à développer la culture de la vigne. Après la chute de Rome, la décrépitude s’installa durablement et le renouveau n’interviendra qu’au Moyen Age avec les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui constituèrent des domaines grâce aux donations de puissants seigneurs du voisinage pour soutenir leurs œuvres : la distribution de nourriture, le logement et la protection de pélerins en partance pour la Terre sainte ou en revenant. Bientôt ils contrôlèrent des abbayes et des églises qui détenaient entre autres des vignobles. D’après la légende, ils auraient rapporté un cépage d’Orient, notamment de Chypre.

 

Quel était ce cépage ?

 

La Négrette. On affirme que ce cépage se nommait Mavro ce qui signifie Noir en grec et qu’on le désigna bientôt sous l’appellation de Négrette parce que sa peau et son jus sont sombres.

 

Selon les spécialistes, il appartient à la famille des Cotoïdes du Sud-Ouest à l’image du Cot de Cahors. Ils considèrent qu’il pourrait provenir de la descendance de la fécondation d’une lambrusque indigène par le pollen d’un cépage méditerranéen. Negreta est le féminin de négret en occitan mais son synonyme français dialectal est dégoûtant ! Il ne concerne pas son aspect gustatif mais le rendement : il donne beaucoup. La Négrette est l’encépagement principal de l’AOC qui a été obtenue en 1983 avec des cépages complémentaires : gamay, cinsault, mérille et mauzac. L’ensemble produit un vin léger qui était surnommé autrefois le beaujolais de Toulouse. 

 

Il y a donc la Négrette de Fronton mais également le Négret de La Canourgue. Appartient-il à la même famille ?

 

Oui ! Le Négret de La Canourgue est un cépage indigène de la haute vallée du Tarn aveyronnaise et lozérienne où il a remplacé le Gamay pour sa précocité. Il s’est ensuite répandu dans la vallée du Lot, dans sa partie Olt, avant d’arriver à Estaing pour y donner du rosé. Les ampélographes, spécialistes des cépages, affirment qu’il a été parfois confondu avec l’Abouriou du Lot-et-Garonne mais qu’il constitue un cépage à part. A Estaing, le Négret de La Canourgue est devenu le Pinotou et s’est répandu dans la haute vallée du Lot avec la reconstitution partielle des vignobles après les destructions du phylloxéra au XIXe siècle, se transformant en Gamay de Saint-Laurent, Gamay de Saint-Geniez ou même Plant de Saint-Geniez. Enfin, on observera qu’il existait autrefois le Négret castrais dans la région de Castres et le Négret du Chêne dans le Gaillacois où c’est le braucol qui domine aujourd’hui, un Fer Servadou qui est cousin du cépage principal de Marcillac.

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