Publié : 8 juillet 2025 à 10h15 par Romain Rouquette

Ça vaut le détour : La verrerie ouvrière d'Albi a 130 ans

Tous les jours de l'été, l'historien et écrivain aveyronnais, Daniel Crozes vous emmène en balade à la découverte des petites et grandes histoires qui font la richesse de nos régions. Aujourd'hui, il vous fait revivre l'histoire de cette célèbre verrerie tarnaise.

Verrerie d'Albi

C’est une vénérable institution de l’Albigeois puisqu’elle célèbre, cette année, son 130e anniversaire. La Verrerie ouvrière d’Albi est toujours présente dans le chef-lieu du Tarn et produit du verre avec des installations qui ont été modernisées récemment. Le four a été rallumé, ce printemps, pour une période de sept années.

 

Pourquoi fonctionne-t-elle en coopérative ?

 

La constitution d’une coopérative verrière à Albi a été provoquée par une grande grève des ouvriers qui est survenue à Carmaux en août 1895. La moitié d’entre eux perdirent alors leur emploi. Il y eut à l’époque une puissante mobilisation du mouvement syndical pour qu’ils retrouvent de l’embauche dans une structure différente qui ne dépende pas des grandes familles de l’industrie et du capitalisme. Le socialiste Jean Jaurès, considéré comme le député des mineurs et des verriers depuis sa première élection à la Chambre en 1885, mobilisa ses relations et des capitaux auprès d’autres coopératives déjà existantes et des syndicats. Cette création en 1895 démontra la capacité des ouvriers à prendre en main un outil de production et leur destinée ; elle apparut également comme un symbole de l’unité de la classe ouvrière. Depuis, la VOA a abandonné le premier site de 1895 mais elle est demeurée albigeoise.

 

Avant la grève de 1895, il existait donc une verrerie à Carmaux.

 

Effectivement. Cette verrerie était ancienne puisqu’elle remontait au XVIIIe siècle, à l’initiative de la puissante famille de Solages qui exploitait déjà les gisements de houille du Carmausin. A l’époque, la monarchie interdisait toute activité industrielle à la noblesse mais elle consentait une exception pour la verrerie.

 

Gabriel de Solages demanda donc une concession en indiquant qu’il existait une seule verrerie à bouteilles à Bordeaux et que le vin d’Albi en souffrait en voyageant dans des tonneaux. Il devait l’obtenir le 2 mai 1752 et il construisit une verrerie près du puits El Ponchon, dans les environs de Blaye-les-Mines. Les travaux s’achevèrent le 20 avril 1754 et le chevalier de Solages sollicita aussitôt l’Eglise pour procéder à une bénédiction de la verrerie et des logements des ouvriers qui étaient logés et nourris par les patrons, percevant une pension de retraite après leur carrière. Cette verrerie est devenue le musée du verre.

 

Une verrerie a également fonctionné à Penchot dans l’Aveyron. Etait-elle aussi ancienne qu’à Carmaux ?

 

Non. Sa construction remonte seulement à 1840 et la fabrique n’est plus aujourd’hui que souvenirs. En revanche, son existence a permis l’introduction des joutes à la lyonnaise grâce à des maîtres-verriers de Rive-de-Gier, dans la Loire, qui s’étaient déplacés dans l’Aveyron pour dispenser leur savoir-faire aux ouvriers de Penchot. Ils constatèrent que la rivière Lot les autorisait à pratiquer leur loisir préféré, les joutes. Ils amenèrent une tradition jusqu’alors inconnue. Ne pouvant se déplacer à Rive-de-Gier, à Givors, en Avignon et à Sète pour participer à des compétitions, les jouteurs du Bassin se contentèrent de pratiquer entre eux pour le plaisir. Ils animèrent les festivités de Penchot. On se souvient d’une figure très populaire de La Joyeuse dans les années 1950 : Georges Galaret et ses 100 kg, appelé le « Rocher de l’Aveyron ». Il s’entraînait à piquer sa lance contre les piles du pont qui enjambe le Lot et les équipes adverses le craignaient pour sa puissance.

 

ECOUTEZ DANIEL CROZES POUR SON DETOUR DU JOUR