7 juin 2023 à 15h34 par Tiphaine Coulon

Verdict le 28 juin pour les faucheurs volontaires

Ils sont convoqués devant le tribunal correctionnel de Rodez après une action dans des locaux RAGT en novembre 2021.

Banderoles en soutien aux faucheurs volontaires devant le tribunal de Rodez (Aveyron)
Banderoles en soutien aux faucheurs volontaires devant le tribunal de Rodez (Aveyron)
Crédit : Tiphaine Coulon / TOTEM

L'audience en direct

La décision sera rendue le 28 juin à 9 heures.

Sans surprise, la défense demande une relaxe générale.

"Il s'agit de dégradations légères, relevant d'infraction de police", mais une décision de condamnation, "ce serait très décevant". "Vous avez tous les éléments pour relaxer". L'avocat évoque aussi la liberté d'expression des faucheurs.

"Vous avez à arbitrer entre deux parties que tout oppose et deux droits que tout oppose", poursuit l'avocat qui a évoqué un futur où les semenciers seront peut-être sur le banc des accusés.

La désobéissance civile, c'est avant tout lutter pour obtenir une avancée légale, explique l'avocat. "Les tribunaux sont depuis toujours des lieux de débats des grands mouvements de société, donc il faut trancher le débat".

Son confrère convoque la lutte des paysans du Larzac contre l'extension du camp militaire et la naissance du mouvement des faucheurs volontaires. "La force de ces mouvements de la désobéissance civile, c'est qu'ils aboutissent toujours à une victoire".

"Les faucheurs ont choisi de faire une action symbolique pour attirer l'attention des journalistes", poursuit l'avocat. Il termine son intervention en soulignant les bénéfices réalisés par RAGT, face à son évaluation de 12 euros de dégâts sur des sacs contenant des semences.

Selon lui les faucheurs volontaires ont vérifié toutes les étiquettes lors de leur action et ont identifié deux variétés, qui n'auraient pas dû être produites ni commercialisées.

L'un des deux avocats de la défense réfute "un débat d'idées " qui serait proposé au tribunal. "Une véritable fraude a été mise en place par les industriels", ajoute l'avocat.

"Ils ont tous participé à une scène unique de destruction. Je considère que si les sacs n'ont pas été retrouvés, il y a bien vol", déclare le procureur, qui évoque un passage à l'acte contre-productif. Il demande des condamnations de deux mois d'emprisonnement avec un sursis simple.

Le procureur ne veut pas retenir la notion de "dégradation légère". Il souligne aussi que ce n'est pas aux faucheurs d'évaluer la dégradation, mais bien à la victime de ces dégradations, c'est-à-dire la société RAGT.

C'est au tour du procureur de la République, Nicolas Rigot-Muller, de s'exprimer. Il explique qu'un procureur ne peut pas accepter ce principe d'inspection citoyenne. "Vous pouvez être mécontents de l'action de la société, mais l'entrée dans l'entreprise n'était pas autorisée".

"La position de dire aujourd'hui ce sont des OGM, c'est faux", poursuit l'avocate. "Est-ce que nous pourrions imaginer que RAGT soit en fraude de la loi ?" Pour elle, il est évident que les faits sont constitués et elle estime le préjudice financier à 6.500 euros. Elle évoque aussi le préjudice moral et le traumatisme subi par les salariés.

"Ce n'est pas parce qu'on va tenter de vous démontrer qu'il y avait des OGM qu'on doit considérer que les faucheurs doivent être relaxés".

Maître Monestier évoque la violence qui a accompagné l'action des faucheurs, "masqués". Selon elle, les salariés du site RAGT ont eu extrêmement peur et le vol est expliqué par la disparition de deux sacs à la fin de l'action.

Les protestations continuent alors que l'avocate évoque les qualités de l'entreprise RAGT. La présidente demande au public de garder le silence ou de quitter la salle.

Après une nouvelle suspension d'audience, Maître Monestier, avocate de la partie civile, prend la parole. "On n'est pas là pour faire un débat sur les OGM", explique-t-elle, ce qui déclenche des protestations dans la salle.

Une pédopsychiatre explique travailler sur les liens entre l'exposition aux pesticides et les troubles autistiques.

Le profil des faucheurs est varié. Certains sont d'anciens agriculteurs, le plus souvent installés en agriculture biologique. D'autres n'ont aucun lien avec le monde agricole. Leurs situations professionnelles sont aussi très différentes : certains sont fonctionnaires, d'autres sont au RSA. Il y a aussi de nombreux retraités.

Le troisième témoin, ingénieur à l'INRAE, arrive à la barre. Avant lui, un représentant de la Confédération paysanne et un ancien agriculteur, qui cultivait du tournesol, se sont exprimés.

Tous les prévenus ont été entendus. Ce sont maintenant les témoins qui vont être appelés.

Plusieurs faucheurs soulignent que la charte des faucheurs volontaires implique l'absence de vol lors des actions

"Si j'avais voulu voler quelque chose, c'est pas là que je serais venu", affirme un faucheur, provoquant les rires de la salle.

"Je ne volerais certainement pas du poison", affirme une faucheuse. Elle explique ne rien avoir dégradé, mais assure avoir mélangé volontairement des graines.

Une autre conteste les vols, en expliquant que comme les faucheurs sont contre les semences, ils n'allaient certainement pas voler ou même toucher les semences concernées. "Je n'arrêterai pas, tant que c'est pour le bien commun. Vous voyez l'âge qu'on a, on ne le fait pas pour nous, mais pour les générations futures", explique-t-elle, tout en jurant de continuer ces actions.

Interrogé sur les vols qui auraient été commis, un faucheur répond "peut-on voler quelqu'un qui vend de la drogue ? quelqu'un qui vend des produits dangereux ?". Il explique faire partie de "l'armée du vivant" et reconnait avoir ouvert des sacs, "mais on n'a pas écrasé les semences".

Les faucheurs évoquent une "inspection citoyenne" quand la présidente leur parle de "dégradation".

Si les faucheurs volontaires reconnaissent leur présence sur le site, ils contestent le vol qui leur est reproché.

Toutes les personnes évoquent des membres de leurs familles, enfants, petits-enfants ou parents, pour expliquer leur engagement.

T-shirt "stop mégabassines" sur le dos, un homme conteste avoir été présent sur le site le jour des faits. Il affirme avoir prêté sa voiture, mais ne pas avoir participé à l'action.

Les deux premiers faucheurs contestent les accusations de vol. Dans la salle, de nombreuses personnes ont des t-shirts sur lesquels on peut lire "OGM NON, pour le bien commun je RÉSISTE" ou "Faucheuse volontaire OGM Non".

Le premier faucheur entendu explique son action en parlant de ses enfants et ses petits-enfants. "Je m'inquiète beaucoup", explique-t-il, la voix tremblante.

Les prévenus vont être entendus les uns après les autres. La présidente leur demande de s'exprimer uniquement sur les faits, indiquant que le tribunal connait parfaitement le contexte dans lequel s'inscrit l'action des faucheurs volontaires.

La présidente rappelle les faits, après avoir accepté d'entendre les comparants volontaires. Ceux-ci affirment avoir été présents lors de l'action du 10 novembre 2021, mais n'avaient pas été convoqués. Le préjudice est estimé à 200.000 euros pour les semences, 2.000 pour les sacs de colza.

Article initial

Foule des grands jours au tribunal de Rodez (Aveyron). Des faucheurs volontaires sont convoqués après une action commise en novembre 2021 à Calmont, dans des locaux de la RAGT.

26 prévenus sont présents, trois sont absents. En début d'audience, le journaliste Grégoire Souchay a été relaxé, comme l'a demandé le procureur de la République. Il était présent le jour des faits pour écrire un article.