Publié : 9 mai 2025 à 10h54 par Hélène Gosselin
Camp de Rivesaltes. "Qui a ordonné l'exhumation des corps sans prévenir les familles ?"
Ghalia Thami est fille de Harkis, elle cherchait le corps de son petit frère depuis 40 ans. Elle a appris récemment qu'une soixantaine de corps avaient été déplacés du camp vers le cimetière de Rivesaltes. Mais de nombreuses zones d'ombre demeurent.
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Ce jeudi 8 mai, dans toute la France des commémorations ont fêté les 80 ans de la capitulation de l'Allemagne nazie. Au camp de Rivesaltes (PO) aussi l'heure est à la commémoration ces jours-ci. Dans le camp militaire se sont succédé des Républicains espagnols, des Juifs étrangers, des Tziganes, puis des prisonniers de guerre à la fin de la deuxième Guerre mondiale. Mais l'histoire du camp s'est poursuivi avec un autre conflit, celui de la guerre d'Algérie. En 1962, y affluent les anciens supplétifs de l'Armée française en Algérie, les Harkis. Ghalia Thami y est arrivée lorsqu'elle avait 8 ans. Elle mène depuis un combat pour retrouver le corps de son petit frère. Un combat qui dure depuis 40 ans. Hélène Gosselin l'a rencontrée chez elle, à Mende (Lozère).
Ghalia Thami se souvient très bien du camp de Rivesaltes où elle est arrivée à l'hiver 1963 :
Après l'indépendance de l'Algérie, il y a quand même eu un ordre d'abandon. Il ne faut pas l'oublier. Et grâce à certains officiers qui ont désobéi aux ordres et qui ont rapatrié leurs soldats et leurs familles, que je suis là aujourd'hui. Mais l'accueil n'avait pas été prévu. On a été rapatriés dans l'urgence et notre famille est arrivée directement dans le camp de de Rivesaltes, entouré de barbelés sous des tentes. J'avais 8 ans. Le choc a été aussi terrible. Et un froid très très dur ! On a vécu sous des tentes à plusieurs, par familles, aucune intimité, pas d'hygiène, pas de soins... On était comme des animaux.
Sa mère était enceinte et son petit frère n'a vécu que trois jours. Ghalia Thami a entrepris de retrouver son corps il y a 40 ans.
Moi, tout ce que je sais, c'est que je vois un petit paquet qui est parti. Ensuite, ma famille a ballotté de camp en camp, d'un hameau de forestage à l'autre, on a été à Chalvignac dans le Cantal, Villemagne dans le Gard, puis on est venus à Mende où on s'est stabilisés. Mais j'ai toujours gardé en tête la question : Où est le cimetière ? Il y a eu énormément de décès. 146 ont été recensés sur la stelle qui existe actuellement. Ils ont été enterrés dans les champs, sans rien, dans un cimetière sauvage. En France, selon la loi, quelle que soit l'origine de quelqu'un, le cercueil est obligatoire. Ils ont donc été enterrés illégalement.
C'est la découverte d'un autre cimetière, dans le camp de Saint-Maurice l'Ardoise, dans le Gard qui a déclenché les recherches officielles au camp Joffre de Rivesaltes, en 2023.
Les recherches ont été ordonnées par la ministre déléguée auprès du ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, Patricia Miralles. Il y a eu cinq hypothèses d'emplacement qui se sont révélées mauvaises, mais ils ont fini par le localiser. Il y a eu des fouilles. Et les familles concernées ont été convoquées le 10 décembre 2024. Je suis partie avec beaucoup d'espoir. On nous a annoncé oui, les fouilles ont été faites, les tombes ont été ouvertes mais vides... ça a été une déflagration. Mais ils sont où ? Personne n'était capable de nous le dire le 10 décembre. Comment on peut faire une exhumation sans l'accord du maire ? C'est le maire qui ordonne ces opérations.
On découvre alors que les ossements de 50 à 60 corps ont été transférés au cimetière communal de Rivesaltes en 1986.
Ils ont découvert apparemment une dalle qu'ils ont ouvert et ils ont trouvé les ossements dans des caisses, sauf que tous les ossements sont mélangés. 85% de ces corps appartiennent à des bébés de 0 à 3 ans. Il y a environ 20 000 ossements, tout en vrac.
Les ossements d'une soixantaine de corps découverts mélangés au cimetière de Rivesaltes
L'institut médico-légal de Marseille a été mobilisé pour savoir si l'identification de chaque corps était possible.
Moi, mes deux questions étaient : Est-ce qu'on peut les identifier ? Est-ce que c'est une opération réaliste et réalisable ? Le professeur m'a répondu non. Est-ce que j'ai un espoir de récupérer le corps de mon frère ? La réponse est non. Voilà, où on en est. Moi ma démarche est de savoir la vérité, puis d'honorer la mémoire de mes parents et honorer aussi la mémoire de toutes ces ces familles. Et de rendre une dignité à tous ces petits anges qui sont partis. Avoir aussi un lieu où se recueillir. Le travail, il est là maintenant.
Le 28 avril dernier, la ministre Patricia Miralles a fait remettre aux familles un dossier avec les pièces administratives issues des archives. Ghalia Thami était en train de l'éplucher lors de la rencontre.
Je viens de de découvrir que tout est parti du conseil départemental qui voulait l'acquisition d'un terrain pour faire une zone industrielle. Sauf que sur le terrain que veut le département, il y a un cimetière. Qui a ordonné l'exhumation ? Comment on peut exhumer des corps sans avertir les familles ? Pour moi, c'est une profanation !
Les corps ont donc été retrouvés, mais il reste de nombreuses zones d'ombre à éclaircir dans ce dossier.
Un parcours mémoriel est organisé ce week-end au camp de Rivesaltes.
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