2 mai 2024 à 12h37 par Simon Depuydt

Abattage de chiens errants autorisé en Aveyron : retour sur la polémique

La décision de la préfecture de l'Aveyron d'autoriser l'abattage de chiens errants agite la toile depuis la publication de l'arrêté, le 10 avril dernier. Les associations de défense des animaux sont vites montées au créneau, les associations d'éleveurs ont aussi réagi. Retour sur la polémique.

Chien errant
Image d'illustration
Crédit : Pixabay

Une mesure temporaire et très encadrée

L’arrêté autorise l'abattage de chiens errants pendant 1 mois, du 10 avril au 10 mai prochain, et uniquement entre 20h et 8h. Cela ne concerne que 5 communes du Sud Aveyron, particulièrement touchées par des attaques sur les troupeaux de brebis, à savoir Nant, L’Hospitalet-du-Larzac, Saint-Eulalie-de-Cernon, La Couvertoirade et Saint-Jean-et-Saint-Paul. Seuls les agents de l’OFB, l’Office Français de la Biodiversité, et les lieutenants de louveterie sont autorisés à tirer sur des chiens errants, qui ne seraient pas approchables et qui présenteraient une menace directe pour un troupeau.

 

Les associations de défense des animaux saisissent la justice

L’association One Voice a décidé de saisir la justice, en attaquant cet arrêté devant le tribunal administratif. Dans un communiqué publié le 23 avril, l'assocation déplore la décision de l'Etat de "tuer, tuer et encore tuer ! Et quand ce ne sont pas les loups qui sont visés, c'est au tour des chiens". One Voice regrette que le gouvernement "préfère assouplir les conditions d'abattage au lieu de rendre obligatoires les protections pour tout type d'animaux"

Le communiqué dans son intégralité :

 

Alors qu’une grande majorité des troupeaux aveyronnais ne sont pas protégés du fait de la « densité ovine » dans le département ( plus de 110 000 brebis ), l’État choisit la solution habituelle : tuer, tuer et encore tuer ! Et quand les loups ne sont pas visés, c’est au tour des chiens. Évidemment, un bâtiment, une présence humaine ou autre n’est pas pour lui une option : il ne faudrait pas se mettre à dépenser de l’argent pour des animaux qui finiront de toute façon à l'abattoir… Nous attaquons cet arrêté !

 

Des chiens perdus, qualifiés de « malfaisants », abattus à vue

 

Depuis le 10 avril et jusqu’au 10 mai, tous les chiens « errants, divagants ou malfaisants » s’approchant des troupeaux de La Couvertoirade, L’Hospitalet-du-Larzac, Nant, Sainte-Eulalie-de-Cernon et Saint-Jean-et-Saint-Paul pourront être abattus la nuit (entre 20 heures et 8 heures).

 

Faut-il encore rappeler que les animaux ne sont pas par nature « malfaisants », mais que ce sont bien les circonstances qui les rendent agressifs, telles que la faim ou un dressage violent ? Le choix de ce terme, dans des textes officiels, est significatif...

 

Sont visés tous les chiens qui sont « hors de portée de voix » ou à plus de 100 mètres de leur humain. Habitants de l’Aveyron, attention donc lors de vos promenades nocturnes ou matinales à ne pas perdre de vue vos compagnons, et à bien les faire rentrer la nuit. Sinon, ils pourraient être abattus à proximité des pâtures…

 

Entre chiens et loups, peu de distinctions dans l’Aveyron

 

Le choix du préfet de l’Aveyron est révélateur de l’incurie de l’État sur ce sujet. Plutôt que d’accompagner les éleveurs en les formant à la mise en œuvre des mesures de protection, et de les subventionner pour les aider à encadrer vaches et chevaux, le gouvernement ne cache plus sa position anti-loups/pro-élevage. Il préfère assouplir les conditions d'abattage au lieu de rendre obligatoires les protections pour tout type d’animaux.

 

Chiens, loups ou tout autre être vivant, nous continuerons de les défendre face aux lobbies agricoles et cynégétiques. Pour ces chiens, qui ont peut-être été abandonnés et luttent pour survivre, ou sont tout simplement égarés et se débrouillent comme ils peuvent, et que le préfet préfère faire abattre plutôt que leur porter secours, nous attaquons cet arrêté. Pour les loups, rejoignez notre combat, signez notre pétition pour demander leur protection et la fin des tirs.

 

Les associations d'éleveurs leur répondent

De son côté, l'association d'éleveurs Cercle 12 a réagi le 26 avril dans un communiqué, regrettant que One Voice "surfe sur l'émotionnel". L'association tient à rappeler que ce sont les loups qui déciment leur troupeaux, et qu'ils ne souhaitent qu'aucun chien ne soit tué.

Le communiqué dans son intégralité :

 

Suite à l’arrêté pris par la préfecture de l’Aveyron autorisant l’abattage de chiens dans un cadre bien défini (zone, horaire, conditions…), nous dénonçons amèrement la contestation de cet arrêté par One Voice qui a pour seule finalité un emballement médiatique inapproprié pouvant laisser croire que ce sont des chiens qui attaquent actuellement les troupeaux sur le Larzac.


One Voice profite de cette affaire en surfant sur l'émotionnel pour rallier la population à son idéologie antispéciste, en sortant sans scrupule cet arrêté de son contexte, entretenant ainsi le clivage et les animosités entre, d’une part les défenseurs des loups et d’autre part, ceux qui défendent leurs troupeaux des attaques et ainsi tous les acteurs ruraux sensibles au maintien de l’élevage de plein air.


C’est pourquoi nous tenons à affirmer haut et fort, afin de mettre un terme au doute volontairement instillé que c’est bien un loup qui fait d’énormes dégâts sur nos troupeaux (23 brebis/béliers tués et 32 blessés depuis le 1er février sur la zone concernée par l’arrêté) et non pas un chien. Un loup a été vu plusieurs fois sur la commune de Sainte Eulalie de Cernon et ses environs ces jours-ci et nous avons 4 vidéos de 30 secondes chacune, prises à partir de la fin mars qui prouvent bien la présence d’au moins un loup dans ce secteur. Nous joignons une capture d’écran issue d’une de ces vidéos. En parallèle de cela, aucun éleveur n’a constaté la présence de chien divagant autour des troupeaux.

 

Nous sommes aussi très sensibles à la protection des chiens et nous ne souhaitons qu’aucun d’entre eux ne soit tué. C’est un texte très encadré à portée limitée dans le temps et dans l’espace. Par ailleurs, il vise un animal errant qui ne serait pas approchable ET qui menacerait les troupeaux surveillés. Nous sommes confiants puisque les maires, tout comme les propriétaires de chiens, ont été prévenus de cet arrêté. Si un chien est perdu, l’information circule alentour et les chiens ne sont pas abattus à vue sans raison.

 

Dans son communiqué, One Voice écrit : « "Chiens, loups ou tout autre être vivant, nous continuerons de les défendre face aux lobbies agricoles... » !

Non One Voice ne défend pas « tout autre être vivant » puisque les 12 000 animaux tués chaque année par les loups : brebis, veaux, vaches, chevaux, chiens, etc., consommés encore vivants bien souvent, ne semblent pas émouvoir cette association qui, avec d’autres comme l’ASPAS, Férus, la LPO, WWF ou la FNE attaquent les arrêtés de tirs de défense, empêchant ainsi de préserver véritablement les animaux domestiques des attaques de loups. Il est important de rappeler, concernant les moyens de protection des troupeaux, que dans les Alpes, 92% des troupeaux attaqués sont des troupeaux protégés. Face à cet échec de la protection, les tirs peuvent apporter un peu plus de sérénité aux éleveurs et à leurs troupeaux.

Personne ne veut tirer sur des chiens et ce sont bien des loups qui attaquent les troupeaux.