Publié : 27 janvier 2025 à 23h03 par Johan Gesrel

"Une toile d'araignée dans une maison ce n'est pas sale" : Raphaël Jeanson en conférence à Cahors

Elles fascinent autant qu’elles font peur : les araignées font l’objet d’une conférence ce mardi 28 janvier à Cahors (Lot) à l’espace Clément Marot avec l'éthologue Raphaël Jeanson. Entretien

Les araignées sont si mignonnes !
Les araignées sont si mignonnes !
Crédit : Pixabay

Raphaël Jeanson est éthologue. Autrement dit, il étudie le comportent des animaux et en particulier celui des araignées au sein du centre de recherche sur la cognition animale à Toulouse. Son livre Dans la tête d’une araignée paru chez humenSciences permet de mieux comprendre cet être souvent mal aimé du public. Ce mardi 28 janvier, il donnera une conférence à Cahors organisée par Carrefour des Sciences et des Arts à l'espace Clément-Marot à 20h30. C'est gratuit. Le public est invité à apporter un dessert à partager.

 

En quoi le comportement social de l'araignée vous intéresse t-il ?

Les araignées, dans la vaste majorité, sont solitaires à l'âge adulte. Parmi les 52 000 espèces connues sur la planète, seule une vingtaine a évolué vers une vie sociale permanente. C'est à dire que chez ces espèces, on peut trouver des colonies qui peuvent regrouper des dizaines, des centaines, voire des milliers d'individus. Mais dans les espèces solitaires, la mère pond un cocon et dans ce cocon vont éclore des jeunes araignées qui vont être sociales et tolérantes pendant quelques jours. Et à l'issue de cette phase de tolérance, elles vont se disperser pour mener une vie solitaire. Et donc la question qui m'anime en tant que chercheur c'est d'essayer de comprendre quels sont les mécanismes qui sont responsables du déclin de la tolérance chez les araignées solitaires pour essayer de mieux comprendre comment, sur des échelles de temps évolutives, la socialité permanente a pu apparaître chez les araignées. 

Que serait notre monde sans araignées ?

Elle ont un impact considérable. Les araignées sont considérées comme étant parmi les plus grands prédateurs des écosystèmes terrestres. Pour vous donner un chiffre, il a été estimé que les araignées sur la planète consomment annuellement entre 400 et 800 millions de tonnes de proies. Cela correspond à une à deux fois la masse de l'humanité. C'est davantage que la quantité de poissons et de viande consommée par les humains, et c'est davantage que la quantité de proie ingurgitée par les oiseaux. Donc on se rend bien compte qu'elles ont un rôle déterminant dans la régulation de ces écosystèmes terrestres. L'affaiblissement de leur population pourrait donc avoir des conséquences vraiment préjudicieuses et conduirait probablement à la pullulation d'espèces qui sont moins désirables, notamment les moustiques que tout le monde déteste. 

L'araignée est un arthropode, ça veut dire qu'elle dispose d'un exosquelette. Est-ce que cet exosquelette est étudié pour des applications concrètes ?

Il y a assez peu d'études à ma connaissance qui sont faites sur ce qu'on appelle la biomécanique des araignées. Il y en a davantage qui sont faites par exemple chez les fourmis, notamment par des collègues au Laboratoire à Toulouse. Mais les araignées peuvent être sources de bio-inspiration dans d'autres domaines, notamment en raison de la soie qu'elles vont produire où aussi des venins. Ce sont des prédatrices d'insecte et donc certains chercheurs s'intéressent à la composition des venins pour essayer de développer des bio insecticides pour lutter contre les ravageurs des cultures. 

La toile d'araignée est donc aussi étudiée ?

Environ la moitié des espèces d'araignées utilisent la soie pour chasser. Celles qui n'utilisent pas la soie vont chasser à l'affût. Et pour les araignées qui utilisent de la soie, on a deux grands types de toiles. Celles géométriques et celles irrégulières qui vont recouvrir les plantes et la végétation. Ces fils d'interception verticaux vont permettre d'intercepter les insectes volants dont l'araignée se saisira quand ils tomberont sur la toile. Et pour les toiles géométriques, il y a certes une composante innée qui est assez forte mais les individus sont aussi capables de modifier la structure de la toile en fonction de leur expérience. Par exemple, pour éviter la dégradation de leur toile par les vents, les araignées vont orienter leur toile de telle sorte qu'il y a une interaction moins importante avec le vent. Donc oui, à la fois y a une composante architecturale remarquable qui est innée dans la structure de la toile, et malgré tout, l'araignée peut faire preuve d'une certaine plasticité pour modifier la structure de sa toile et s'adapter à l'environnement auquel elle est confrontée. 

On dit qu'avoir des araignées chez soi, c'est le signe d'une maison saine. Que pensez-vous de ce dicton ?

Ce dont je suis quasiment certain, c'est qu'avoir des araignées dans une maison ne devrait pas être un problème pour les habitants. Il faut vraiment qu'on arrive à assimiler le fait que les araignées ne représentent aucun danger pour l'espèce humaine à l'échelle de la planète. Il est estimé que moins de dix personnes meurent à l'échelle de la planète par an à cause d'une morsure d'araignée. Sous nos latitudes en France ou en Europe, c'est quasi nul. Il faut que collectivement on accepte que ces toiles d'araignée ne sont pas le signe d'un ménage qui n'est pas fait. Une toile d'araignée n'équivaut pas à de la saleté donc si collectivement on accepte de laisser les toiles qui sont habitées par les araignées, ça permettra de les respecter, de les observer et de lutter de façon écologique contre certains indésirable comme les moustiques. 

Comment expliquer l'arachnophobie ?

On considère qu'environ 25% de la population occidentale, européenne ou américaine, a peur des araignées et que l'arachnophobie qui est l'expression ultime de cette peur, concernerait de 5 à 10% des personnes. Cette arachnophobie semble plus prégnante en Europe où les araignées ne sont pas plus dangereuses que dans d'autres latitudes. Dans certains pays, ils les vénèrent. Il y a certaines tribus qui considèrent par exemple que les migales permettent de faire communiquer le monde des vivants et le monde des morts. Chez nous des études montrent que les araignées inspirent un certains dégoût et que ce dégoût se traduit par une peur et que cette peur serait acquise socialement, culturellement. Les enfants auraient tendance à reproduire les comportements émis par les parents à la vue d'une araignée.