Publié : 11 décembre 2020 à 0h06 par Johan Gesrel

Détournement de fonds publics : 5 ans d'inéligibilité requis contre Brigitte Barèges

Tarn-et-Garonne Le maire de Montauban sera fixée sur son sort le 9 février prochain. Trois autres prévenus dont son ancien directeur de cabinet étaient poursuivis dans cette affaire vieille de 6 ans.

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18 à 24 mois de prison avec sursis, 15 000€ d'amende : c’est la peine requise par le procureur de la République à l'encontre du maire de Montauban Brigitte Barèges, jugée ce jeudi pour détournement de fonds publics devant le tribunal correctionnel de ToulouseUne lourde peine qui s'accompagne de 5 ans d'inéligibilité avec exécution provisoire, autrement dit Brigitte Barèges risque de perdre ses mandats si les juges suivent les réquisitions du parquet.

La maire (LR) de Montauban est soupçonnée d’avoir utilisé de l’argent de la ville pour financer l’emploi fictif d’un journaliste qui écrivait des articles favorables à sa politique dans les colonnes du Petit Journal. A cela s’ajoute le financement d’un blog satirique qui servait à attaquer ses adversaires. 10 à 12 mois de prison avec sursis ont été requis par l’ancien journaliste, Jean-Paul Fourment.

Concernant Alain Paga le directeur de publication du Petit Journal, le parquet a requis 12 mois de prison avec sursis, 5000€ d'amende et 30 000€ d'amende au titre de sa société "Arc en Ciel". Le procureur n'a en revanche retenu aucune charge contre Stéphane Bensmaine, l’ancien directeur de cabinet de Brigitte Barèges. La décision des juges a été mise en délibéré et sera rendue le mardi 9 février à 14h.

Jean-Paul Fourment, un "anar de droite" au service de la mairie

Au coeur de cette affaire, il y a le journaliste Jean-Paul Fourment. Celui qui se décrit comme un "anar de droite" se fait remarquer en 2012 par ses articles aux accents caustiques et acerbes parus dans "La Liberté d'Entreprendre". Une "plume" que Brigitte Barèges et ses proches souhaitent utiliser au profit de leur communication politique.

Pour ce faire, Jean-Paul Fourment est employé par la mairie de Montauban entre 2012 et 2014 en tant que chargé de mission au sein du service communication. Il y reste 17 mois rémunéré 2500€ par mois. Une mission qui consistait pour l'essentiel à écrire ou réécrire des articles issus des communiqués de presse de la ville qu'il publiait dans les colonnes du "Petit Journal".

Des articles dont la nature n'était pas toujours claire. Certains étaient des publi-reportages payés par la Ville, d'autres des articles politiques rédigés de façon bénévole par Jean-Paul Fourment. Un mélange des genre qui poussera l'entourage de Brigitte Barèges à demander au journaliste d'être rémunéré à la pige par le "Petit Journal" pour 500€ par mois. La plupart de ces articles sont signés sous le pseudonyme "Sébastien Duhem".

A cela s'ajoute le statut de Jean-Paul Fourment entouré de flou : il n'a pas de bureau au sein de la mairie, pas même d'adresse mail et travaille chez lui pour des questions de discrétion. Placé sous l'autorité d'une directrice de communication, il ne rend de comptes qu'à Brigitte Barèges qui lui corrige ses articles et lui suggère des sujets à traiter. "Tout ce que j'ai écrit, je l'ai écrit sur commande de la mairie", déclare Jean-Paul Fourment aux juges. Tout au long de l'audience, l'ex-journaliste s'exprime de façon confuse, souvent agacé d'être désigné comme un "paumé". Un électron libre dont la ville va finalement se séparer en 2014.

Une facturation de 280 000€ "obscure et opaque"

Durant la période, les magistrats enquêteurs ont estimé à 280 000€ le montant total des articles publiés dans le "Petit Journal" pour le compte de la mairie. A la barre, Alain Paga le directeur de publication peine à évaluer ces factures pour lesquels il n'y avait pas toujours de bon de commande. "Une facturation obscure et opaque", estime le procureur Laurenc Couderc lors de son réquisitoire.

Un flou qui interpelle le directeur de cabinet du maire Stéphane Bensmaine. Calculettte à la main, il réévalue les sommes et constate au total une surfacturation totale de 60 000€. La somme a depuis été remboursée par le "Petit Journal" à la Ville.

Un blog satirique payé par la mairie destiné aux militants UMP ?

Outre les articles publiés dans "Le Petit Journal" du Tarn-et-Garonne, un blog satirique est créé par Jean-Paul Fourment avec l'aval de Brigitte Barèges. Baptisé "L'Insolent", il comprend des articles souvent dirigés contre l'opposition municipale et des articles de politique générale. Un blog hébergé par une société privée qui facture à la ville la somme de plus de 5000€.

Devant les juges, Brigitte Barèges s'emporte : "je n'étais pas au courant de ces factures. Si j'avais su, j'aurais refusé". En revanche, le maire admet que les articles de l'Insolent étaient envoyés via une mailling list aux militants de son parti l'UMP (aujourd'hui 'Les Républicains') dont elle est la présidente dans le Tarn-et-Garonne.

Inéligible même en cas d'appel...

Lors de son réquisitoire, le procureur Laurent Couderc a pris le temps de distinguer le rôle de chacun dans ce dossier. Le ministère public n'a retenu aucune charge contre Stéphane Bensmaine, l'ex-directeur de cabinet et n'a donc requis aucune peine à son encontre. Le procureur rejette par ailleurs la notion d'emploi fictif de Jean-Paul Fourment : "il s'agit d'un emploi dont on a caché la fonction pour permettre au titulaire d'accomplir des tâches politiques". 

Le fait le plus marquant reste les 5 ans d'inéligibilité requis par le parquet à l'encontre de Brigitte Barèges, avec exécution provisoire. Autrement dit, si les juges suivent les réquisitions, le maire de Montauban perdrait tous ses mandats même en cas d'appel. Une épée de Damoclès pèse désormais au-dessus de de Brigitte Barèges qui sera fixée sur son sort le 9 février.

A la sortie du tribunal, Brigitte Barèges a réagi au micro TOTEM de Johan Gesrel en évoquant une cabale politique.

 

photo : brigitte bareges aux côtes de ses avocats et de ses proches au tribunal de Toulouse (crédit : johan gesrel.)