Publié : 28 novembre 2025 à 11h37

Henri Guaino : "je n'ai plus confiance en la justice de mon pays"

L'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l'Elysée était en Aveyron pour un dîner-débat à l'initiative du Département. Il a fait étape dans nos studios ce 28 novembre pour répondre aux questions d'Olivier Cammas.

Henri Guaino
Henri Guaino dans nos studios
Crédit : TOTEM

Bonjour Henri Guaino, qu'est ce que vous venez faire dans l'Aveyron ou plus largement dans le sud massif central ? Prendre le pouls du pays ? Et si oui, dans quelle perspective ?

J'ai répondu simplement à une invitation d'Arnaud Viala, le président du Conseil Départemental. Il reçoit chaque année un ou 2 invités pour une pour une soirée, un dîner, débat.

Le pouls du pays justement, battrait plus que jamais à droite. Jordan Bardella n'a jamais été aussi haut dans les sondages. En cas de présidentielle, il arriverait même en tête, peu importe l'adversaire. Est-ce que c'est un signe pour les LR, votre parti, de s'unir au Rassemblement national et de former un bloc de droite, votre parti historique en tout cas?

Ce n'est plus mon parti, je n'appartiens à l'heure actuelle à aucun parti, même si j'ai beaucoup d'amis chez LR. J'ai pris mes distances avec la façon dont se fait la politique aujourd'hui. Moi je crois pas du tout que le pays se droitise. Je pense que le pays se radicalise, ce qui n'est pas du tout la même chose. D'ailleurs on voit bien que les partis qui sont les plus les plus vigoureux sont les partis les plus radicalisés. Le RN, la droite classique n'arrête pas d'expliquer que c'est un parti de gauche parce qu’ils n’ont pas voté la réforme des retraites, parce qu'ils parlent un peu de la question sociale.

Mais faut-il que les LR et le RN s'allient ?

Non et ce n'est pas le sujet. Il n’y a que les appareils qui pensent toujours en termes d'alliance. Après les élections présidentielles, il peut y avoir des rapprochements pour gouverner, ça s'est toujours fait, mais là, l'Union des droites ou l'Union des gauches… La gauche est capable de le faire, ça vaut éventuellement pour des élections législatives avec des accords de désistement, mais pas pour la présidentielle.

Quoi qu'il en soit, votre ancien parti est aujourd'hui particulièrement divisé. Jusqu'où cette fracture peut aller ? Est-ce qu'on parle d'un simple désaccord stratégique Retailleau/Wauquiez, ou d'un vrai risque d'implosion peut être de disparition, privée d'oxygène entre le bloc central et l'extrême droite.

Oui, parce que la plupart des partis, à part le RN d'un côté ou LFI de l'autre, ne cessent de se diviser et de se fracturer. Les partis en France n'ont plus aucun ciment idéologique. Ce ne sont plus des familles politiques comme auparavant. Moi je suis rentré dans un parti qui s'appelait le RPR, qui est un parti gaulliste. On ne peut pas dire que les gens s'entendaient toujours très bien et qu'il y avait toujours des un accord parfaits, mais  il y avait un ciment très profond. Le parti socialiste avait un ciment très profond. Les démocrates chrétiens, les radicaux avaient des ciments. Aujourd'hui il n'y a plus que des cartels électoraux. Avec des gens qui ne sont pas, qui sont d'accord sur pas grand-chose, voire rien à l'intérieur. Et puis des entreprises que j'appellerais unipersonnelles c'est à dire le Rassemblement national. C'est Madame le Pen, peut-être demain Monsieur Bardella... LFI c'est Monsieur Mélenchon. Mais ça fonctionne parce qu'il y a une personne... Pas tellement parce qu’ il y a parmi les adhérents et surtout les électeurs, une vraie unité idéologique, c'est une incarnation. Mais pour le reste (des partis), il n’ y a pas d'incarnation.

À droite notamment, on manque d'incarnation ? Le dernier qui incarnait à droite, c'était qui ?  Nicolas Sarkozy ?                                                                                                                                                                                  

Il faut incarner quelque chose. Mais incarner quoi  ? Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, Nicolas Sarkozy a longtemps, par son énergie, son intelligence,  masqué les fractures, les divisions qui traversent son parti mais qui traversent aussi tous les autres. D'ailleurs, ce parti (LR) est parti en petits morceaux dans l'appareil, dans les adhérents, avec  l'éclosion d'Horizons, le départ de certaines personnalités dans le bloc central Macronien dès 2017. Les électeurs, eux, ils sont partis au Rassemblement national, ils sont partis chez Macron, il en reste un peu... On a vu quand la participation est assez forte comme aux présidentielles, ça pouvait faire des scores très faibles. Je me rappelle l'expérience de Madame Pécresse qui fait moins de 5% pour un parti qui a gouverné la France avec des majorités pléthoriques et au Parti Socialiste, aux dernières élections présidentielles, c'est la même chose, pire puisque Mme Hidalgo a fait 1,5%.

Dans une dizaine de jours, le nouveau livre de Nicolas Sarkozy, « le journal d'un prisonnier » va sortir, tiré de ses 21 jours de détention. Vous avez écrit nombre de discours de Nicolas Sarkozy, est ce que c'est vous qui l’avez écrit ?

Pas du tout. D'ailleurs, si j'ai bien compris, ce livre a été écrit en prison, en 21 jours. 21 jours, il a travaillé tout le temps. Il fallait trouver une occupation pour résister à l'ambiance de la prison.

Vous l'avez lu ? Il vous l’a envoyé ?

Pas encore. Mais  c'est une expérience et une écriture très personnelles. C'est une expérience humaine très particulière, donc il a vécu ça, lui qui était sans doute une des personnes qui avait le moins vocation à se retrouver là. Il a essayé de tirer quelque chose de cette expérience.

La justice s'acharne ou elle fait son boulot?

Alors non, la justice ne fait pas son travail. Moi je l'ai déjà dit, je n'ai plus confiance dans la justice de mon pays. Je ne demande qu'une chose, c'est à nouveau avoir confiance, mais il y a une dérive de la justice qui ne concerne pas que Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy a été une cible particulière d'un pouvoir judiciaire qui dans tous les pays occidentaux, cherche à prendre le pas sur le pouvoir politique parce que le pouvoir politique est faible. C'est une vieille histoire. Deuxièmement, Il y a une dérive sur laquelle il va falloir se pencher. Mais il faut aussi que les magistrats réfléchissent. C'est une dérive où l'institution judiciaire, la subjectivité du juge, c'est-à-dire les sentiments du juge, l'opinion du juge prend le pas totalement sur la preuve, elle dévore la preuve. La subjectivité du juge, ça ne peut pas durer. Et on arrive à une situation où les voyous sont dehors et les élus sont en prison, y compris un ancien président de la République, alors que le tribunal lui-même a reconnu qu'il n’avait pas de preuves. N'ayant pas de preuves, mais étant convaincu quand même qu'il devait être coupable, le tribunal a dit qu’il ne pouvait pas ignorer, et on a utilisé l'association de malfaiteurs. C'est un acharnement. Mais il a des causes profondes qui ne sont pas seulement des causes politiques ou idéologiques. C'est beaucoup plus profond que ça.