31 mai 2024 à 5h30 par Stéphane Jacquemin

« Ça donne du sens  »

À Tulle, le mémorial du Haut lieu de Cueille recense désormais 163 clichés des 200 victimes de la barbarie nazie du 9 juin 1944.

Né quelques mois après le 9 juin 44, Charles Godillon est le fils d'un supplicié
Né quelques mois après le 9 juin 44, Charles Godillon est le fils d'un supplicié
Crédit : Stéphane Jacquemin-TOTEM

Au Haut Lieu de Cueille, à Tulle, 163 des 200 victimes de la barbarie nazie du 9 juin 1944 sont désormais représentées en photo. Des plaques émaillées ont été installées sur la stèle centrale.

« Je pense que c’est une bonne chose, c’est bien... » explique Charles. Il a 80 ans, il est né aux lendemains du drame du 9 juin, pourtant son père (dont il a hérité du prénom) est un des 99 suppliciés.

« Le papa de mon mari a été pendu » explique l’épouse de Charles, Monique, « il s’appelait Charles Godillon, il avait 34 ans. Mon mari ne l’a pas connu, il est né 3 mois plus tard en septembre 44 ».

Le 9 juin 1944, Charles y pense tout le temps, « je pense sans arrêt à ce qui s’est passé à Tulle ».

La rafle, l’arrestation de 120 hommes, ils ont entre 16 et 60 ans. 99 d’entre eux vont être pendus. Dans les jours suivants, 149 autres sont déportés à Dachau. 101 y perdront la vie

Charles Godillon un des 99 pendus de Tulle.
Charles Godillon un des 99 pendus de Tulle.
Crédit : Stéphane Jacquemin-TOTEM

Ce père disparu brutalement, il en a été peu question durant de longues années dans la famille de Charles :

« C’était l’omerta chez moi, on n’osait pas parler de ça. Par exemple, chaque 9 juin, il était interdit de regarder la télévision ». « Pour lui c’était un traumatisme » ajoute Monique, « il avait beaucoup d’anxiété et un chagrin qui n’est jamais sorti, donc on a toujours fait corps tous les 2 ».

 

Cette photo désormais au Mémorial, « il en est content » ajoute Monique. « Cette photo, c’est celle qui est présente partout chez moi...C’est la photo de mon père ».

 

 

Des visages sur les victimes

Inauguration des plaques émaillées au Mémorial de Tulle
Inauguration des plaques émaillées au Mémorial de Tulle
Crédit : Stéphane Jacquemin-TOTEM

« Incontestablement, les photos valent mieux que tous les écrits et c’est vrai que ces médaillons sacralisent doublement le Mémorial » explique le Président du comité des martyrs de Tulle, Roland Gonieau.

« C’est important pour les familles, mais aussi et surtout pour les visiteurs du Mémorial qui identifieront les suppliciés et les déportés (…) Il faut raconter leur histoire et leur histoire, elle passe par des photos ».

 

Un travail de recherche de plusieurs mois pour les Archives.

« C’est un travail qui a été commencé il y a 20 ans par Peuple et Culture et notamment Patrick Teyssandier, il avait pu retrouver 80 victimes et nous, on a repris le travail au mois d’octobre (…) » précise le directeur des archives de la ville de Tulle, Nicolas Giner.

«  Ça a été un gros travail de recherche auprès des familles, avec la généalogie, avec internet et on a été heureux à chaque fois de retrouver ces personnes là ».

Pour les 37 photos manquantes, « le travail va se poursuivre en fil rouge » explique Nicolas Giner, « on pense qu’on peut encore retrouver une dizaine de victimes ».

Un travail de recherche qui a aussi abouti à la découverte de 8 nouvelles victimes, déportées. Leurs noms pourraient être prochainement ajoutés sur le Mémorial.